La construction de la digue Nord de 2,3 km exigera de démonter le sea-line de livraison actuel. Le dossier du projet soumis par la région à l’enquête publique proposait donc, sans aucune concertation avec EPPLN que ce dernier prenne à sa charge le démontage du « sea-line » actuel et la construction d’un nouveau « sea-line » provisoire, au Nord de la digue en construction. La région a évalué cet investissement provisoire entre 5 et 8 M€.
Ici encore amateurisme et non concertation sont au rendez-vous. Les premières études menées sur le sujet par EPPLN montrent que cet investissement provisoire s’élèvera à 27 M€ pour la construction du « sea-line » provisoire et à 6 ou 8 M€ pour le démantèlement de l’ancien.
La construction des digues était chiffrée initialement à 144,3 M€ (chiffrage du dossier d’enquête publique) aujourd’hui les marchés ont été passés avec la société pour un montant de 199,8 M€ soit une augmentation de 55,5 M€.
Les délais de réalisation des digues sont, quant à eux passés de 36 mois à 60 mois.
Les dérives des équipes de maîtrise d’ouvrage de la Région laissent présager une gestion financière future du projet absolument catastrophique pour les finances publiques.
Ceci d’autant plus que, de manière tout à fait inhabituelle et déraisonnable pour ce type de chantier, aucune provision pour aléa n’a été prise en compte dans les budgets prévisionnels comme pour les intempéries par exemple (voir sur ce point le rapport EPPLN p.28).
Au moment de l’enquête publique, au printemps 2018, de nombreuses interogations se sont fait jour sur le financement des tranches 2 et 3 du projet. Tranches destinées à le rendre opérationnel : quais, terrepleins, outillages, etc.
Ce n’est qu’à l’issue de cette enquête que la présidente de la région Occitanie a dévoilé son projet de création d’une Sté d’Economie mixte à objet particulier (SemOp). Elle ainsi privé le public de tout débat sur cet aspect du financement.
Par la suite, en septembre 2019, un appel d’offre a été lancé. A cette occasion, nous avons appris quelles seraient les conditions de réalisation de cette nouvelle société. De fait, la région n’y détiendra que 34 % des parts, le reste étant partagé entre les investisseurs privés et publics (Banque des Territoires, groupe Caisse des Dépôts et Consignations). De fait, le maître d’ouvrage région Occitanie, propriétaire du port va perdre la main sur son fonctionnement. Il s’agit ni plus ni moins d’une privatisation rampante.
Mais est-ce aussi simple ? Dans le dossier d’appel d’offre, nous apprenons que la SemOp devra verser une redevance d’exploitation fixées a minima à 300 000 € (voire plus si négociation) et une participation aux frais de dragage d’entretien, fixée à 590 000 € HT. Mais dans le même temps, la SemOp pourra prétendre à une subvention d’équilibre d’exploitation, sans limite…
Et les investissements à venir ? Ils seront à la charge de la SemOp, hormis une subvention d’investissement qu’elle pourra recevoir, plafonnée à 150 000 000 € !
Donc, non seulement, il s’agit d’une privatisation rampante mais encore d’une belle opération de privatisation des profits – socialisation des pertes !
EPPLN a procédé (dans son doc pages 28 et 29) à une analyse très pertinente du déséquilibre financier futur du port en fonctionnement :
« Les coûts récurrents supplémentaires suivants sont estimés pour le port (hors coûts portés par les entreprises privées) :
– 1,9 M€ / an de provision pour entretien
– 1 M€ /an de surcoût de dragage récurrent
– 1,6 M€ / an de surcoût d’exploitation supplémentaire via la concession portuaire
( chiffres issus de l’étude socio-économique de l’enquête publique vol.3, § 5.3)
Ces coûts sont partiellement compensés par des recettes portuaires supplémentaires amenées par la croissance des tonnages espérés progressant de 1M € en 2025 à 3M € en 2040.
EPPLN est en droit d’en inférer que l’exploitation future du port est structurellement déficitaire.
Ici se trouve sans doute la cause du peu d’appétit des investisseurs privés pour ce type de projet. »
Nous nous associons à cette analyse qui a été strictement basée sur les chiffres du document d’enquête publique de la région. Par contre, comme nous l’avons montré ci-dessus, les augmentations de trafic, (évaluées par la maitrise d’ouvrage, régionale) sont totalement fantaisistes, parce que, comme nous l’avons vu ci-dessus, le tonnage du port va décroitre dans toutes les hypothèses.
En conséquence, le déficit structurel du port dans sa nouvelle géométrie s’élèvera donc, au minimum, à 4,5 M € par an.
Et ceci dans l’hypothèse où les surcoûts de dragage du nouveau port se limitent aux 1 M€ estimés, ce dont on peut raisonnablement douter.
Nos responsables régionaux se répandent dans la presse en annonçant des nombres mirifiques d’emplois créés par le projet : 3000 emplois au dire de Mr Codorniou.
Mais, si nous sommes concrets, en regardant les marchés passés au titre de la phase 1 tels qu’ils ont été rendus publics, la part des entreprises régionales s’élève à 2,4 % du total (dont 0,47 % pour les entreprises locales).
Par ailleurs, et cela n’a été étudié nulle part, l’impact économique du chantier sera dévastateur en matière de tourisme et d’activité balnéaire